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Et si l’on pensait télétravail ?

Alors que les nouvelles technologies gomment les obstacles techniques au télétravail, et qu’une nouvelle législation encadre sa mise en place, les entreprises commencent à se laisser séduire par cette pratique qui préfigure, selon les observateurs, les nouvelles formes de travail de demain. Explications.

Si l’on s’en tient aux chiffres, la France affiche depuis plusieurs années un retard significatif en matière de télétravail au regard de ses voisins. En l’occurrence, près de 17 % de la population active de l’Hexagone télétravaille (au minimum une fois par semaine), contre 30 % en moyenne en Europe et dans les pays scandinaves ou anglo-saxons. Pour autant, si le télétravail peine encore à s’affirmer dans notre paysage professionnel, l’évolution est bel est bien en marche.

Anne-Claire Dubreuil lors duTour de France du télétravail à Toulouse

Selon le rapport du Centre d’Analyse Stratégique (« Le développement du télétravail dans la société numérique de demain », publié en 2009), la part des entreprises pratiquant le télétravail a en effet bondi de 37 % entre 2007 et 2008. Mieux : cette pratique pourrait concerner jusqu’à 50 % de la population active à l’horizon 2015.

La dynamique de la région Midi-Pyrénées

A l’instar de Thales, Alcatel, Renault, Michelin ou France Télécom, de grandes entreprises françaises ont désormais sauté le pas. C’est également le cas de PME-TPE (en particulier dans le domaine des services aux entreprises, des TIC, du conseil, de la communication…) et de collectivités. Plusieurs initiatives novatrices en région Ainsi en Midi-Pyrénées, différentes initiatives pour promouvoir le télétravail, notamment dans le but de dynamiser les territoires ruraux, ont vu le jour depuis le début des années 2000.

L’Ariège par exemple, a inauguré dès 2004 son premier télécentre (bureaux meublés, dotés d’équipements informatiques connectés à Internet, mis à la disposition des télétravailleurs).

Aujourd’hui, les trois télécentres du département (hébergés dans les trois pépinières d’entreprises ariègeoises) et l’espace de coworking implanté à Mirepoix, accueillent une quinzaine de salariés pratiquant le télétravail à raison d’un ou deux jours par semaine, tandis qu’une centaine de télétravailleurs, majoritairement sous statut d’indépendant, est répertoriée par l’agence de développement économique Ariège Expansion. De son côté, le programme Soho Solo, lancé en 2008 par la CCI du Gers dans le but d’attirer des « néo-ruraux » dans le département (net-entrepreneurs indépendants et télé-salariés), affiche au bout de quatre ans un bilan positif, avec l’arrivée de 300 nouveaux gersois, soit 122 actifs et leurs familles.

Quant au Lot, il fait aujourd’hui figure de pionnier en Midi-Pyrénées, puisqu’à l’initiative du Conseil général la première expérimentation du télétravail par une collectivité a été lancée en juin 2011. Conduite dans le cadre d’une « étude-action » sur le télétravail à l’échelle du Massif Central, la première phase de l’expérimentation lotoise (réunissant 12 télétravailleurs) s’est achevée en juin dernier et fera l’objet d’une extension à partir de janvier 2013 (voir encadré). Une réponse aux nouveaux défis socio-économiques…

Les facteurs qui favorisent le télétravail

Plusieurs facteurs favorisent aujourd’hui le développement du télétravail dans de nombreux secteurs d’activité. Ajouté à la hausse chronique du prix des carburants, l’éloignement, parfois important, entre le lieu de travail et le domicile des salariés et son incidence sur les émissions de gaz à effet de serre, en est un. Comme le précise le Syntec Numérique (Chambre professionnelle des métiers du numérique) dans son Livre vert consacré au télétravail, « 50 % des émissions de CO2 sont liés aux déplacements professionnels (source WWF 2008) et en France, un employé parcourt, sur le trajet domicile-travail, en moyenne 26 km par jour. Si les salariés travaillaient en moyenne 2 jours par semaine à leur domicile, cela induirait un gain direct de plus de 800 kg de CO2 par personne et par an, soit près de 10 % du bilan carbone d’une personne ». En développant ce genre de pratique, les entreprises engagent donc leur responsabilité sociétale.

Autre argument en faveur du télétravail : le fait que cette pratique contribue à améliorer la qualité de vie du salarié, en lui permettant de mieux concilier sa vie professionnelle et privée. Moins de stress, moins de fatigue liée aux transports, plus de calme pour une meilleure concentration, et une motivation décuplée par la responsabilisation du télétravailleur contribueraient ainsi à augmenter sa productivité de 22 % en moyenne, selon une récente étude réalisée à l’initiative du Ministère de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique (Etude Greenworking, Le télétravail dans les entreprises françaises, mai 2012).

 

Aujourd’hui le télétravail se marie volontiers avec le travail en mobilité, chez soi et dans des tiers lieux.

Un modèle de management « par objectifs » Le télétravail peut également permettre à l’entreprise de diminuer certains coûts (frais de déplacement, frais généraux…) et répondre à des problématiques plus spécifiques, comme pouvoir recruter des compétences difficiles à trouver sur son territoire, ou encore favoriser le retour à l’emploi du conjoint d’un salarié. Enfin, le télétravail peut aussi être un outil pour faciliter la réponse aux obligations légales des entreprises, notamment pour l’embauche de personnel handicapé, ou l’aménagement entre la carrière et la retraite d’un salarié senior.

Le télétravail bouscule les organisations

Ceci étant, s’il préfigure les nouvelles formes de travail des prochaines décennies, le télétravail bouscule les méthodes organisationnelles et managériales traditionnelles des entreprises. Fondée sur une plus grande autonomie du salarié, il impose un nouveau modèle de management « par objectifs », dont la mise en place doit être précisément définie et faire l’objet d’un suivi régulier.

Depuis mars 2012, deux lois encadrent la mise en place du télétravail : la loi Warsmann, dans le secteur privé, qui introduit le télétravail dans le code du travail et en détaille certaines modalités d’application ; et la loi Sauvadet (dernier article, N°133), qui introduit officiellement le télétravail dans la fonction publique (en attente d’un décret en Conseil d’Etat qui en précisera les modalités.

Le déploiement du très haut débit et des technologies mobiles, l’ouverture de tiers-lieux offrant des solutions de bureaux temporaires (télécentres, espaces de co-working…) et le développement de nouveaux services d’accompagnement des télétravailleurs (formation, mise en réseau…), devraient également contribuer à court terme à renforcer encore l’essor du télétravail.

(Article paru dans la magazine de la CCI du Lot)

Anne-Claire Dubreuil

Ingénieur territoprial, directrice adjointe à la communication, chef de service communication numérique de Sicoval, communauté d'agglomération dans le sud-est de l'agglomération toulousaine.

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14 commentaires

  1. Le télétravail répond clairement à des problématiques actuelles. Pour l’avoir testé à titre personnel, je peux affirmer que tout le monde est gagnant ! Le seul bémol est que le télétravailleur a besoin de socialisation, ce à quoi répondent parfaitement les espaces de coworking et autres tiers-lieux.

  2. Dans le cadre des bilans de compétences, les consultants nous rapportent de plus en plus de témoignages de professionnels attirés par le télétravail qui leur permet de retrouver un équilibre entre la vie professionnelle et la vie de famille. Malheureusement, les entreprises semblent encore frileuses pour adopter ce mode d’organisation…

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